Je suis auxiliaire de vie depuis presque 20 ans. Pendant ma carrière, j’ai travaillé dans plusieurs services : mandataire, prestataire, garde itinérante (de jour comme de nuit), téléassistance (j’intervenais auprès des bénéficiaires qui chutaient à domicile)… J’ai donc fait un bon bout de chemin dans ce secteur d’activités et je voudrais vous parler d’une situation que j’ai vécue récemment.
Avant toute chose, en tant qu’auxiliaire de vie, on fait un travail qui n’est pas vraiment un travail, c’est une vocation, c’est humain. On ne vend pas de pain dans une boulangerie. Quand on a compris ça, je pense qu’on a compris beaucoup de choses. On est là pour repérer les fragilités des bénéficiaires et travailler dessus avec eux, en sachant qu’il faut d’abord qu’eux-mêmes prennent conscience de ces fragilités. Il y a des gens qui ne sont pas forcément conscients de ce qui leur arrive ou qui sont dans le déni.
Chez Petits-fils, quand on commence un suivi avec un bénéficiaire, ça se passe toujours bien parce qu’on est présenté et on a une période d’essai de quelques semaines qui nous permet d’avoir le choix de continuer ou d’arrêter le suivi. Il y a aussi une échelle de GIR qui va de 1 à 5 (c’est une échelle qui permet de mesurer la perte d’autonomie d’une personne pour lui fournir un accompagnement et des soins adaptés). Les difficultés que rencontrent chacun et chacune varient énormément, et les attentes aussi.
Pendant deux ans, j’ai accompagné un monsieur qui avait un cancer colorectal et qui est décédé il y a une quinzaine de jours, avec moi. Il avait été hospitalisé pour une occlusion intestinale et quand je suis allé le voir il m’a dit « ça y est, il n’y a plus rien à faire, je suis mort ». Pourtant ses constantes médicales étaient bonnes, il avait du poids, il avait l’air très bien ce monsieur ! Le personnel de l'hôpital a appelé sa famille en lui disant qu’il ne lui restait que quelques heures à vivre alors qu’il allait plutôt bien, donc je me suis battue pour faire en sorte qu’il rentre chez lui pour finir ses jours paisiblement. Le monsieur est finalement rentré chez lui, avec moi. Ce monsieur m’appelait mon ange gardien. Quand je lui rendais visite à l’hôpital, il disait toujours « mon ange gardien est arrivé, je ne crains plus rien ». Ça m’a fortement touchée.
Finalement, il s’est passé huit mois entre sa sortie de l’hôpital et son dernier jour. Quelques semaines avant qu’il ne décède, j’ai été arrêtée 15 jours à cause d’un déchirement intercostal. Quand je suis revenue, il m’avait attendue pour partir. On a beaucoup échangé avec les yeux, avec les mimiques, avant qu’il ne parte. Il avait le sourire, c’était vraiment émouvant. Cette histoire a été la plus grande aventure de toute ma carrière d’auxiliaire de vie, et j’ai été très très entourée par les directeurs et directrices d’agence qui m’appelaient régulièrement pour savoir si j’allais bien.
Je tiens vraiment à les remercier d’avoir été auprès de moi, d’avoir pris soin de moi pendant cette épreuve, et d’avoir mesuré le travail et l’accompagnement que j’avais mis en place pour ce monsieur et pour d’autres bénéficiaires.