J’ai commencé à travailler en tant qu’auxiliaire de vie auprès des personnes en France en 2012, mais en réalité je travaille avec les personnes en difficulté depuis bien plus longtemps que ça. Dans le pays dans lequel je suis née et j’ai grandi, le Congo, j’ai fait une école d’infirmières, puis j’ai travaillé dans différents centres de santé.
Quand je suis arrivée en France avec mes cinq enfants, je n’ai pas eu beaucoup de choix de travail. J’ai d’abord voulu changer parce que je ne voulais plus travailler dans le médical, mais je n’ai pas eu beaucoup d’options et il fallait que je travaille au plus vite, je suis donc allée vers l’aide à la personne et ça s’est très bien passé. J’ai découvert que c’était ce que je voulais faire, que j’étais bien mieux au domicile des gens plutôt qu’en structure. Je me sens très utile.
En France, les personnes âgées ont vraiment besoin de nous. C’est un très beau travail que nous faisons, même s’il est fatigant. Dans mon pays, c’est très différent : les enfants ont des droits et des devoirs, et parmi leurs devoirs, il y a le fait de tout quitter pour s’occuper des personnes âgées. Nous n’avons pas de structures pour les accueillir convenablement, donc ce sont nous les enfants qui nous occupons de nos parents. Au Congo, à un certain âge, il est courant que notre mère ou belle-mère emménage chez nous et y reste. Si c’est nécessaire, nous pouvons même arrêter de travailler pour nous occuper d’elle. Chez nous, c’est normal, la famille entière s’organise comme ça, contrairement à ici où il y a des structures et où l’État peut se porter responsable d’une personne âgée. Malheureusement j’ai aussi pu observer pendant mon parcours qu’ici, les structures ne sont pas forcément toujours épanouissantes pour les personnes âgées et que même quand elles ont des enfants, ils ne sont pas toujours présents… pour moi, il y a un devoir qui manque. Heureusement en France il y a quand même des enfants qui sont très proches de leurs parents une fois âgés qui sont prêts à passer beaucoup de temps avec eux en cas de problème, mais il y en a certains qu’on ne voit jamais. Dans ces cas-là, c’est là qu’on se sent le plus utile, notamment pour remonter le moral de la personne âgée, mais pas seulement.
Quand je prends en charge une personne chez Petits-fils, une fiche de mission m’est donnée avec dessus les tâches que je dois accomplir avec la personne suite à son évaluation à domicile. Seulement, il peut arriver que le matin chez le bénéficiaire, je me rende compte qu’il y a eu une évolution que les enfants n’ont pas vu et que personne n’a vu. Si en se réveillant la personne a de la fièvre, des selles molles ou tout autre problème, je suis la première en arrivant le matin à constater ça et à devoir réagir : avertir Petits-fils, la famille, changer l’alimentation, demander une surveillance de nuit si nécessaire… Tout peut changer à tout moment. Il faut savoir observer la personne à tout moment, sa posture, son humeur, si elle change de position pour dormir… Il arrive aussi que nous remarquions que certaines personnes âgées ne sont pas bien traitées par leur famille ou leur entourage, et là aussi c’est notre rôle de faire remonter les informations et ça peut sauver la personne aussi. Un monsieur qui frappe sur une dame, des enfants qui ne veulent pas de leurs parents, une personne âgée qui vit dans un environnement inadapté ou insalubre… On a des numéros spécifiques pour ça, on dénonce tout de suite les maltraitances et les personnes compétentes prennent le relais (justice, assistante sociale…).
Finalement, en tant qu’auxiliaire de vie, on comble un vide énorme, on les traite un peu comme si c’était nos grands-parents parce que nous sommes tout le temps avec eux, nous sommes la personne la plus proche et la plus présente auprès d’eux.
Notre rôle est aussi de leur redonner une image positive et agréable d’eux-mêmes, quand on leur fait la toilette, quand on leur fait à manger leur plat préféré, qu’on les apprête, qu’on les maquille, qu’on nettoie et range leur intérieur comme ils le souhaitent, qu’on les fait se regarder dans le miroir une fois habillés et apprêtés, qu’on travaille avec ceux qui le peuvent sur la sauvegarde de leur autonomie… Ça donne le sourire, de la bonne humeur et c’est très important pour le reste de la journée et pour la nuit.
C’est un très beau métier dans lequel je me sens vraiment utile, surtout quand la personne se sent mieux grâce à moi et grâce à l’équipe entière.