J’ai commencé ma carrière dans le secrétariat puis j’ai complètement changé pour m’orienter vers la petite enfance : j’étais assistante maternelle. Quand mes enfants ont grandi, j’ai voulu changer de métier parce que j’étais tout le temps à mon domicile : j’avais besoin de sortir, de m’ouvrir. J’ai effectué une formation d’auxiliaire de vie qui a duré 9 mois, puis j’ai travaillé pour l’ADMR pendant 6 ans. Le métier me plaisait beaucoup mais les conditions de travail étaient beaucoup plus dures que chez Petits-fils. J’avais une dizaine d’interventions par jour, c’était des demi-heures donc c’était assez fatigant moralement et physiquement. Un jour, en allant chez un usager, j’ai rencontré une personne de chez Petits-fils et c’est comme ça que j’ai postulé. Chez Petits-fils, les missions sont beaucoup plus longues, je reste plus longtemps chez les bénéficiaires, donc la relation avec eux est beaucoup plus apaisée. Créer du lien est plus facile parce que je participe à beaucoup plus d’évènements de leur quotidien. Je noue des relations qui sont à la limite de l’amitié !
Dernièrement, j’ai accompagné une personne de 99 ans qui voulait atteindre ses 100 ans. Je l’ai accompagnée sur les deux derniers mois de sa vie et c’était très chouette et très émouvant. En arrivant à l’EHPAD, elle était très en colère et se sentait déracinée. Elle avait du mal à accepter sa situation mais, au fur et à mesure que je la voyais, je la sentais de plus en plus apaisée. On a créé un lien de confiance, une très bonne relation, et jusqu’à la fin c’était quelque chose de très beau. J’étais contente de m’intéresser à sa vie, d’échanger des idées, de discuter… Elle est partie paisiblement et je pense que j’y étais pour beaucoup, d’ailleurs sa fille m’a beaucoup remerciée pour ça. Elle est décédée 3 jours avant son anniversaire.
Même s’il est rare que je ressente une sensation d’échec dans le suivi de mes bénéficiaires, il y a quand même des jours où ça arrive. Il y a quelque temps, je suivais une personne qui avait la maladie d’Alzheimer. Ses enfants ne voulaient pas qu’elle quitte le domicile donc elle avait une permanence 24h/24. Cette femme ne savait pas qu’elle était malade et elle refusait que l’on s’occupe d’elle, de manière très agressive par moments. Je n’arrivais pas à l’aider. Quand je ne pouvais pas la changer, j’avais l’impression de la maltraiter, mais quand j’essayais de la forcer, j’avais l’impression de la maltraiter aussi. J’ai donc décidé de dire stop au bout d’un certain temps, je ne pouvais pas continuer dans ces conditions. Pourtant elle m’appréciait et il y a des moments où ça se passait très bien, mais j’avais toujours l’impression que je n’agissais pas comme il fallait. Cette expérience m’a permis de mettre à jour mes capacités et mes limites et de les respecter.
Finalement, les deux domaines dans lesquels j’ai exercé (la petite enfance et l’aide à domicile) se complètent. C’est toujours de l’aide à la personne et même si c’est très différent, on s’occupe toujours beaucoup des autres. Personnellement c’est ce qui me comble, je l’ai toujours fait, même au sein de ma propre famille. En vieillissant, on devient très dépendant des autres et ça peut vraiment faire penser à un retour en enfance !